Nyirayuhi V, Kanjogera
Personne
Dates
- Existence: 1847 - 1933
Biographie
Kanjogera est née vers 1847, à Rugaragara, au Budaha. Elle est la fille du chef Rwakagara et de Nyiramashyongoshyo, fille de Mukotanyi du clan des Banyiginya et du lignage des Baka.
Par son père, Kanjogera fait partie du clan des Bega et du puissant lignage des Bakagara ou les descendants de Rwakagara.
Elle est la sœur du même lit que Nyamashaza, sa grande sœur, ainsi que de Cyigenza et Mbanzabigwi, ses deux frères. Kanjogera est aussi la demi-sœur de Giharamagara (Senyamuhara), Nyamushanja, Ruhinajoro, Ruhinankiko, Kabare, Rwibishenga, Sharibabaza, Ryahama, Rwabigwi, Rwandoha, Segatwa, Rubera, Nsekarubera, Shengenya, Ilibagiza, Nyirandilikiye et Ikinani, tous nés de femmes différentes. Elle évolue ainsi au sein d’une fratrie de vingt-et-un enfants.
La puissance de son lignage tient au fait d’avoir procuré deux reines-mères du Rwanda, quatre épouses royales, une vingtaine de chefs ainsi qu’un président du Rwanda. En effet, les frères de Kanjogera comme Kabare, Ruhinankiko, Nyamushanja, Giharamagara (Senyamuhara) ainsi que ses neveux et petits-neveux à l’instar de Sekaragwenyera, Rwabutogo, Rwidegembya, Rwubusisi, Gakirage, Kayondo, Sekaryongo, Bangambiki, Hitiyise, Rwagataraka, Ziruguru, Fundi, Mukimbiri, Ndakebuka, Kanubana, Ruhongeka, Rwiririza, Rutaremara, Kimonyo, Gisagara, Rwigema, Ngarambe, Mwikarago, Nkubito, Mbaraga, Karuretwa, Nyanjwenge, Ruremesha, Naho, Ntunda, Rwakayiru, Ngoga, Kabasha, Karinganire, Rwabuyanga, Rwigemera père et fils ont compté, en leur temps, parmi les grands chefs du Rwanda. Les nièces et petite-nièce de Kanjogera à l’exemple de Kagisha, Nyirakabuga, Kankazi et Mukaruhinda ont été mariées à son propre fils, le roi Yuhi V Musinga. Kankazi est devenue, plus tard, reine-mère du Rwanda. D’autres nièces comme Kampororo, Bwisimbi et Kabanyana ont été les épouses des chefs ou les dames de compagnie des reines-mères du Rwanda. L’arrière-petit-neveu de Kanjogera, à savoir Paul Kagame, fils de Rutagambwa, lui-même fils de Kampayana, fils également de Cyigenza, est actuellement le président du Rwanda.
À la fin de sa puberté, vers octobre 1861, Kanjogera est donnée en mariage au roi Kigeli IV Rwabugiri au trône depuis 1853. Les cérémonies nuptiales se déroulent à Ngara, au Bumbogo (Rubungo). Selon la tradition orale, la première rencontre entre Kanjogera et le roi Kigeli Rwabugiri est un véritable coup de foudre. En un éclair, le monarque rwandais tombe, ce jour-là, sous le charme de la fille de Rwakagara et la gratifie d’un cheptel important de vaches dynastiques ainsi que d’une résidence à Kabuye, dans la localité de Jabana. Kanjogera s’y installe en 1862 et reçoit régulièrement les visites de son mari. À chaque visite royale, elle se surpasse en attention et en affection ; cela accroit l’attachement de Rwabugiri à son égard. Après quelques fausses couches, Kanjogera donne naissance à leur premier fils Munana, vers 1870. Quelques années plus tard, vers 1883, elle met au monde leur second fils Musinga. La joie de Kigeli Rwabugiri est alors à son comble. Il attribue à Kanjogera d’autres résidences comme celles de Giseke, de Nyagisenyi, de Bweramvura au Kinihira, de Gatsibo à Mitoma au Mutara, de Bweramvura à Rutongo, de Mwima à Nyanza et de Sakara au Gisaka. Elle gère au total huit résidences et Rwabugiri finit par faire d’elle son épouse favorite parmi une dizaine d’autres compagnes. Ce nouveau statut d’épouse préférée du monarque rwandais est rapidement remarqué par les habitués de la cour royale et inspire la chanson à la cithare « Ikibasumba » (celle qui surpasse les autres), connue actuellement sous la reprise de Sebatunzi (MR.1974.13.35-9, MR.1975.36.3-7). La romance entre le roi Kigeli Rwabugiri et Kanjogera donne également lieu à une autre chanson à la cithare, « i Mitoma », composée par la princesse Karira et célèbre grâce aux reprises de Ruzamba, Rujindiri, Rutangira et Kabalira. La passion de Kigeli Rwabugiri pour Kanjogera n’a pas que des résultats artistiques, elle profite aussi bien économiquement que politiquement à la fratrie de Kanjogera : son grand frère Ruhinankiko reçoit la main de Nyiramukesha, la sœur du roi Rwabugiri, ainsi que d’importants commandements administratifs aux rentrées économiques considérables ; son autre grand frère Kabare reçoit, quant à lui, la main de Kamarashavu, la fille même du roi Rwabugiri, de même que l’administration de la milice Abashakamba et sa troupe bovine Impeta-Umuhozi ; son petit frère Mbanzabigwi reçoit le commandement de l'armée Impamakwica; ses grands frères Giharamagara (Senyamuhara) et Nyamushanja commandent, à tour de rôle, la milice Uruyange et son troupeau Ingeyo. Vers 1886, Munana, l’aîné des enfants de Rwabugiri et de Kanjogera décède inopinément. La tristesse de ses parents est alors incomparable.
Le 22 décembre 1889, Kanjogera est intronisée comme reine-mère de substitution de Rutarindwa, un autre fils de Kigeli Rwabugiri. La mère de Rutarindwa étant décédée depuis longtemps, Rwabugiri choisit Kanjogera comme la reine-mère adoptive de Rutarindwa en raison de l’amour inconsidéré qu’il lui voue. Le choix de Kanjogera comme reine-mère est déconseillé par les dépositaires du code ésotérique du Rwanda, car Kanjogera disposait déjà d’un fils intronisable, Musinga, et pour le fait qu’elle est issue d’un clan que le père de Rwabugiri, Mutara II Rwogera, avait effacé de la liste des familles procurant les reines-mères au Rwanda. Cela étant, Rutarindwa est investi comme le corégnant de Kigeli Rwabugiri et reçoit le nom de Mibambwe IV. Kanjogera est intronisée sous celui de Nyiramibambwe IV, sur insistance de son époux. Pour fêter le couronnement de Kanjogera en tant que reine-mère corégnante, le cithariste Rudakemwa compose le morceau « Nyiramibambwe » repris par ses quatre continuateurs que sont Gisiribobo, Rujindiri, Rutangira et Kabalira (MR.1954.1.12-1, MR.1974.13.3-6, MR.1975.36.4-8, MR.1975.26.2-2).
En septembre 1895, le roi Kigeli IV Rwabugiri décède subitement en pleine randonnée militaire, probablement d’une crise cardiaque. Son ancien corégnant, Mibambwe IV Rutarindwa, lui succède au trône et règne alors avec la reine-mère Nyiramibambwe IV Kanjogera conformément à la volonté de Rwabugiri. Après l’inhumation de Kigeli Rwabugiri à Rutare et les cérémonies de deuil/purification qui se déroulent à Kiyanja (Masango), la reine-mère Nyiramibambwe Kanjogera et ses deux demi-frères Kabare et Ruhinankiko mettent au point un plan destiné à déposer Mibambwe IV Rutarindwa et à introniser, à sa place, Musinga, le fils biologique de Kanjogera. Ce plan se nourrit du fait que Musinga est intronisable et profite surtout de l’élément que Mibambwe Rutarindwa n’est même pas à la base le fils biologique de Kigeli Rwabugiri, mais plutôt son fils adoptif. L’élaboration du plan de Mibambwe Rutarindwa et sa mise en œuvre entrainent la création de deux factions antagonistes : les pro-Musinga et les pro-Mibambwe. Le premier groupe comprend la reine-mère Kanjogera, ses deux demi-frères Kabare et Ruhinankiko, ainsi que leurs amis, le chef Rutishereka, ami de Kabare, le prince Baryinyonza, le filleul de Ruhinankiko ainsi que le gardien du code ésotérique Rukangirashyamba. Étant encore jeune, Musinga est inactif dans ce groupe. Le groupe des pro-Mibambwe est, pour sa part, constitué du roi lui-même, des chefs et des détenteurs du code ésotérique déterminés à appliquer, à la lettre, les volontés de Kigeli Rwabugiri. Ce sont, entre autres, Rutikanga, Kibaba, le chef Bisangwa, le prince et chef Muhigirwa, le chef Mugugu, le prince et chef Karara, de même que le chef Cyoya.
À partir de janvier 1896, le camp de Musinga s’attèle à affaiblir le camp adverse en éliminant ou en faisant assassiner les chefs Mugugu, Bisangwa et son successeur Sehene, ainsi qu’en recrutant directement le prince Muhigirwa. Le climat politique s’envenime graduellement tout au long de l’année 1896. Vers la fin de cette année, les Rwandais se promènent déjà les armes à la main en attendant l’affrontement final devant départager les deux camps. Ce baroud d’honneur éclate fortuitement au début du mois de décembre 1896, à Rucunshu. Les combats se déroulent toute la journée et se concluent par le suicide de Mibambwe IV Rutarindwa en compagnie de ses épouses et de ses trois fils. La confrontation de Rucunshu, connue sous le nom de « Coup d’État de Rucunshu », survient seize mois après le décès de Kigeli IV Rwabugiri. Au lendemain de ce coup d’État, Kanjogera suivie par son fils Musinga quitte la localité de Rucunshu et s’installe à Rwamiko (Nyamabuye).
Au début du mois de février 1897, Musinga est intronisé à Runda, près de Gihara, comme le nouveau roi sous le nom de Yuhi V et sa mère Kanjogera abandonne le précédent titre de Nyiramibambwe IV pour adopter dorénavant celui de Nyirayuhi V. Ainsi, Kanjogera devient la seule reine-mère à avoir diriger le Rwanda pendant deux règnes successifs. En 1899, Yuhi Musinga et Nyirayuhi Kanjogera s’établissent à Mwima, à Nyanza. Depuis cette année jusqu’en 1961, Nyanza devient le siège de la cour royale du Rwanda.
Suite à sa force de caractère et à la timidité du roi Yuhi Musinga, la reine-mère Nyirayuhi Kanjogera est la personne la plus puissante du Rwanda. Avec ses demi-frères Kabare, Ruhinankiko et plus tard, Musinga, Nyirayuhi Kanjogera dirige le Rwanda d’une main de fer. Aucune décision n’est prise sans son consentement et aucun jugement n’est rendu sans son avis. Sa parole vaut son pesant d’or. Et, pour préserver sa puissance et garder le contrôle sur les hautes sphères du pays, Kanjogera place les membres de sa famille au cœur du pouvoir. Elle marie ses nièces Nyirakabuga, Kagisha, Kankazi et sa petite-nièce Mukaruhinda à son royal fils Yuhi Musinga et le garde de ce fait sous radar. Ensuite, elle nomme ou fait investir ses neveux Rwidegembya, Rwubusisi et Kayondo aux postes administratifs.
Cependant, durant son règne, Kanjogera fait face à plusieurs menaces et à des situations aussi difficiles que dangereuses.
Un mois après sa seconde intronisation, le Rwanda perd sa souveraineté politique et se soumet à la domination coloniale occidentale. Le 20 mars 1897, le capitaine Hans Von Ramsay, chef de la station d’Udjiji et délégué du ministère allemand des Affaires étrangères, informe la cour royale que le Rwanda passe désormais sous protectorat allemand. Quelques années plus tard, en 1916, les Allemands sont remplacés au Rwanda par les Belges victorieux des combats de la Première Guerre mondiale en Afrique orientale. De 1916 à 1924, le Rwanda est occupé militairement par les Belges. Puis, à partir de 1924, commence le mandat exercé par la Belgique pour le compte de la Société des Nations. Sur le plan politico-administratif, cela signifie que l’administration belge prédomine sur l’autorité de Yuhi Musinga et de Nyirayuhi Kanjogera. De plus, durant les périodes d’occupation et de mandat, le roi Musinga et la reine-Mère Kanjogera sont progressivement dépouillés par l’administration belge de leurs prérogatives royales : ils perdent le droit de vie ou de mort sur leurs sujets, ils ne peuvent plus punir ces derniers sans la présence d’un responsable belge et ils n’ont plus la latitude de nommer ou de destituer les chefs sans l’autorisation de l’administration belge. Leur pouvoir perd de son aura et de sa substance d’autant plus que par les réformes de 1926, les circonscriptions politiques sont modifiées pour se conformer à la conception administrative occidentale et que les nouveaux chefs sont, cette fois, désignés par l’autorité belge.
Au lendemain de sa seconde intronisation, juste après avoir passé au fil de l’épée tous les supporteurs de l’ancien roi Mibambwe Rutarindwa, la reine-mère Nyirayuhi Kanjogera fait aussi face au schisme du camp des vainqueurs de Rucunshu. Ses deux demi-frères Kabare et Ruhinankiko se brouillent, à partir de 1897, et s’affrontent, par clients interposés, pour dominer la scène politique du pays. La lutte fratricide entre les deux fils de Rwakagara se termine par la victoire de Kabare en 1905, la déchéance de Ruhinankiko, le décès d’innombrables guerriers de leurs deux camps ainsi que par la fragilisation militaire du Rwanda.
Le début du règne de Nyirayuhi Kanjogera connait également une sévère crise de légitimité qui s’étend de 1897 à 1911. Au lendemain de Rucunshu, les princes de sang, certains grands chefs et les populations de plusieurs régions du Rwanda, surtout le Nord, considèrent le roi Yuhi Musinga et la reine-mère Nyirayuhi Kanjogera comme des monarques régicides, usurpateurs et donc illégitimes. Pour le premier groupe, le véritable successeur de Kigeli Rwabugiri est Mibambwe Rutarindwa et non Yuhi Musinga. Par conséquent, ils rejettent l’autorité de ce dernier, se soustraient au paiement des tributs de soumission, renvoient violemment ses représentants officiels et s’attaquent même aux membres de sa famille, à l’instar de sa tante Nyamashaza, la grande sœur de Kanjogera, qui est assassinée à sa résidence du Buriza. Aidée par ses demi-frères, Kanjogera venge le meurtre de sa sœur par un châtiment des plus sévères, puis mate les révoltes des princes Muhigirwa, Baryinyonza et Biregeya et écrase enfin, grâce à l’intervention militaire allemande, les rébellions du Nord conduites par Ndungutse (Birasisenge), Rukara et Basebya.
C’est également durant le règne de Nyirayuhi Kanjogera et de Yuhi Musinga que les croyances religieuses occidentales sont introduites au Rwanda et qu’elles s’y développent au point de supplanter complètement les croyances religieuses locales. Le catholicisme est introduit au Rwanda, en 1900, par les Pères Blancs, le protestantisme est initié au « Pays des mille collines », à partir de 1907, par la Société allemande de Bethel, l’église adventiste du 7e jour s’y implante à partir de 1920, au moment où la population rwandaise commence à se détacher, peu à peu, des croyances rwandaises.
Au fur et à mesure que les années passent, Nyirayuhi Kanjogera vieillit et perd un peu de sa poigne. La crainte qu’elle inspirait autrefois s’est dissipée avec les années d’autant plus qu’elle n’a plus le pouvoir de châtier sévèrement ses détracteurs. À partir de 1918, elle se laisse volontairement photographier par les Occidentaux de passage alors qu’auparavant, aucun commun des mortels n’avait même pas pu l’apercevoir de loin. Son fils, le roi Yuhi Musinga, prend un peu d’assurance et se libère doucement de sa tutelle. En 1923, il répudie toutes ses femmes apparentées à sa mère et en épouse d’autres issues d’autres clans. Cependant, il ne parvient pas à se défaire totalement de l’influence de sa mère au grand dam des conseillers royaux qui lui suggèrent, vers 1928, d’introniser un corégnant allié des Belges et de convaincre sa mère de mettre fin à ses jours, conformément aux dispositions du code ésotérique qui interdisent aux reines-mères de vivre pendant le règne de leur petit-fils. Cette suggestion rencontre la désapprobation de Kanjogera très attachée à sa propre vie.
Suite à la longue mésentente entre le roi Yuhi Musinga et l’administration mandataire belge, le vice-gouverneur général du Ruanda-Urundi, Charles Voisin, informe, le 12 novembre 1931, le roi Musinga et sa mère de leur déposition ainsi que de leur relégation au sud-ouest du Rwanda. Deux jours plus tard, les deux anciens monarques ainsi que sept femmes de Musinga et leurs enfants en bas âge sont transportés à travers le Nyantango et le Bunyambiriri. Leur caravane de 700 personnes, dont 450 porteurs, passe une semaine en route et aboutit finalement à Kamembe, dans le territoire de Shangugu, son lieu d’exil. Pendant ce temps, l’un des fils de Musinga, à savoir Rudahigwa, est intronisé, le 16 novembre 1931, sous le nom de Mutara III. Sa mère Kankazi, nièce de Kanjogera, est investie sous le nom de Nyiramavugo III. Kanjogera perd ainsi ses honneurs et se résout, tant bien que mal, à son nouveau statut de bannie.
Dans son lieu de relégation, Kanjogera de même que son fils Musinga sont entretenus par le roi Mutara Rudahigwa. Celui-ci leur adresse un mandat postal mensuel de 2000 francs ainsi que des produits laitiers de leur cheptel bovin de 363 vaches. À Kamembe, Kanjogera mène une vie discrète et reçoit clandestinement des cadeaux de ses fidèles ainsi que ceux des membres de sa famille.
Le 2 octobre 1933, Kanjogera décède à Kamembe. Au cours des jours suivants, son corps est préparé et boucané, sur un feu de bois aromatiques, par deux gardiens du code ésotérique dépêchés par le roi Mutara Rudahigwa. Ce processus retarde ainsi la décomposition de sa dépouille. Celle-ci est ensuite enveloppée dans des écorces de ficus et recouverte de nattes, puis transportée à Rutare, où elle est enterrée, en janvier 1934, auprès de son mari, Kigeli Rwabugiri, par une vingtaine de détenteurs du code ésotérique du Rwanda.
En 1962, le site de la sépulture de Nyirayuhi Kanjogera est profané et transformé en bananeraie. Six ans plus tard, sa tombe est découverte et exhumée par l’archéologue Francis Van Noten, du Musée royal de l’Afrique centrale. Actuellement, le corps de Nyirayuhi Kanjogera repose au Musée ethnographique de Huye (Rwanda).
Nyirayuhi Kanjogera reste toujours dans la mémoire populaire rwandaise, tantôt adulée pour sa beauté et sa puissance de séduction, tantôt honnie pour sa force de caractère et sa froideur politique. Sujette à plusieurs légendes tout aussi invérifiables, Nyirayuhi Kanjogera a été positivement louée dans la célèbre chanson « Kanjogera injoge » de Masamba Intore/Alphonse Butera (2014), reprise de la chanson à la cithare « i Mitoma ».
Elle est la sœur du même lit que Nyamashaza, sa grande sœur, ainsi que de Cyigenza et Mbanzabigwi, ses deux frères. Kanjogera est aussi la demi-sœur de Giharamagara (Senyamuhara), Nyamushanja, Ruhinajoro, Ruhinankiko, Kabare, Rwibishenga, Sharibabaza, Ryahama, Rwabigwi, Rwandoha, Segatwa, Rubera, Nsekarubera, Shengenya, Ilibagiza, Nyirandilikiye et Ikinani, tous nés de femmes différentes. Elle évolue ainsi au sein d’une fratrie de vingt-et-un enfants.
La puissance de son lignage tient au fait d’avoir procuré deux reines-mères du Rwanda, quatre épouses royales, une vingtaine de chefs ainsi qu’un président du Rwanda. En effet, les frères de Kanjogera comme Kabare, Ruhinankiko, Nyamushanja, Giharamagara (Senyamuhara) ainsi que ses neveux et petits-neveux à l’instar de Sekaragwenyera, Rwabutogo, Rwidegembya, Rwubusisi, Gakirage, Kayondo, Sekaryongo, Bangambiki, Hitiyise, Rwagataraka, Ziruguru, Fundi, Mukimbiri, Ndakebuka, Kanubana, Ruhongeka, Rwiririza, Rutaremara, Kimonyo, Gisagara, Rwigema, Ngarambe, Mwikarago, Nkubito, Mbaraga, Karuretwa, Nyanjwenge, Ruremesha, Naho, Ntunda, Rwakayiru, Ngoga, Kabasha, Karinganire, Rwabuyanga, Rwigemera père et fils ont compté, en leur temps, parmi les grands chefs du Rwanda. Les nièces et petite-nièce de Kanjogera à l’exemple de Kagisha, Nyirakabuga, Kankazi et Mukaruhinda ont été mariées à son propre fils, le roi Yuhi V Musinga. Kankazi est devenue, plus tard, reine-mère du Rwanda. D’autres nièces comme Kampororo, Bwisimbi et Kabanyana ont été les épouses des chefs ou les dames de compagnie des reines-mères du Rwanda. L’arrière-petit-neveu de Kanjogera, à savoir Paul Kagame, fils de Rutagambwa, lui-même fils de Kampayana, fils également de Cyigenza, est actuellement le président du Rwanda.
À la fin de sa puberté, vers octobre 1861, Kanjogera est donnée en mariage au roi Kigeli IV Rwabugiri au trône depuis 1853. Les cérémonies nuptiales se déroulent à Ngara, au Bumbogo (Rubungo). Selon la tradition orale, la première rencontre entre Kanjogera et le roi Kigeli Rwabugiri est un véritable coup de foudre. En un éclair, le monarque rwandais tombe, ce jour-là, sous le charme de la fille de Rwakagara et la gratifie d’un cheptel important de vaches dynastiques ainsi que d’une résidence à Kabuye, dans la localité de Jabana. Kanjogera s’y installe en 1862 et reçoit régulièrement les visites de son mari. À chaque visite royale, elle se surpasse en attention et en affection ; cela accroit l’attachement de Rwabugiri à son égard. Après quelques fausses couches, Kanjogera donne naissance à leur premier fils Munana, vers 1870. Quelques années plus tard, vers 1883, elle met au monde leur second fils Musinga. La joie de Kigeli Rwabugiri est alors à son comble. Il attribue à Kanjogera d’autres résidences comme celles de Giseke, de Nyagisenyi, de Bweramvura au Kinihira, de Gatsibo à Mitoma au Mutara, de Bweramvura à Rutongo, de Mwima à Nyanza et de Sakara au Gisaka. Elle gère au total huit résidences et Rwabugiri finit par faire d’elle son épouse favorite parmi une dizaine d’autres compagnes. Ce nouveau statut d’épouse préférée du monarque rwandais est rapidement remarqué par les habitués de la cour royale et inspire la chanson à la cithare « Ikibasumba » (celle qui surpasse les autres), connue actuellement sous la reprise de Sebatunzi (MR.1974.13.35-9, MR.1975.36.3-7). La romance entre le roi Kigeli Rwabugiri et Kanjogera donne également lieu à une autre chanson à la cithare, « i Mitoma », composée par la princesse Karira et célèbre grâce aux reprises de Ruzamba, Rujindiri, Rutangira et Kabalira. La passion de Kigeli Rwabugiri pour Kanjogera n’a pas que des résultats artistiques, elle profite aussi bien économiquement que politiquement à la fratrie de Kanjogera : son grand frère Ruhinankiko reçoit la main de Nyiramukesha, la sœur du roi Rwabugiri, ainsi que d’importants commandements administratifs aux rentrées économiques considérables ; son autre grand frère Kabare reçoit, quant à lui, la main de Kamarashavu, la fille même du roi Rwabugiri, de même que l’administration de la milice Abashakamba et sa troupe bovine Impeta-Umuhozi ; son petit frère Mbanzabigwi reçoit le commandement de l'armée Impamakwica; ses grands frères Giharamagara (Senyamuhara) et Nyamushanja commandent, à tour de rôle, la milice Uruyange et son troupeau Ingeyo. Vers 1886, Munana, l’aîné des enfants de Rwabugiri et de Kanjogera décède inopinément. La tristesse de ses parents est alors incomparable.
Le 22 décembre 1889, Kanjogera est intronisée comme reine-mère de substitution de Rutarindwa, un autre fils de Kigeli Rwabugiri. La mère de Rutarindwa étant décédée depuis longtemps, Rwabugiri choisit Kanjogera comme la reine-mère adoptive de Rutarindwa en raison de l’amour inconsidéré qu’il lui voue. Le choix de Kanjogera comme reine-mère est déconseillé par les dépositaires du code ésotérique du Rwanda, car Kanjogera disposait déjà d’un fils intronisable, Musinga, et pour le fait qu’elle est issue d’un clan que le père de Rwabugiri, Mutara II Rwogera, avait effacé de la liste des familles procurant les reines-mères au Rwanda. Cela étant, Rutarindwa est investi comme le corégnant de Kigeli Rwabugiri et reçoit le nom de Mibambwe IV. Kanjogera est intronisée sous celui de Nyiramibambwe IV, sur insistance de son époux. Pour fêter le couronnement de Kanjogera en tant que reine-mère corégnante, le cithariste Rudakemwa compose le morceau « Nyiramibambwe » repris par ses quatre continuateurs que sont Gisiribobo, Rujindiri, Rutangira et Kabalira (MR.1954.1.12-1, MR.1974.13.3-6, MR.1975.36.4-8, MR.1975.26.2-2).
En septembre 1895, le roi Kigeli IV Rwabugiri décède subitement en pleine randonnée militaire, probablement d’une crise cardiaque. Son ancien corégnant, Mibambwe IV Rutarindwa, lui succède au trône et règne alors avec la reine-mère Nyiramibambwe IV Kanjogera conformément à la volonté de Rwabugiri. Après l’inhumation de Kigeli Rwabugiri à Rutare et les cérémonies de deuil/purification qui se déroulent à Kiyanja (Masango), la reine-mère Nyiramibambwe Kanjogera et ses deux demi-frères Kabare et Ruhinankiko mettent au point un plan destiné à déposer Mibambwe IV Rutarindwa et à introniser, à sa place, Musinga, le fils biologique de Kanjogera. Ce plan se nourrit du fait que Musinga est intronisable et profite surtout de l’élément que Mibambwe Rutarindwa n’est même pas à la base le fils biologique de Kigeli Rwabugiri, mais plutôt son fils adoptif. L’élaboration du plan de Mibambwe Rutarindwa et sa mise en œuvre entrainent la création de deux factions antagonistes : les pro-Musinga et les pro-Mibambwe. Le premier groupe comprend la reine-mère Kanjogera, ses deux demi-frères Kabare et Ruhinankiko, ainsi que leurs amis, le chef Rutishereka, ami de Kabare, le prince Baryinyonza, le filleul de Ruhinankiko ainsi que le gardien du code ésotérique Rukangirashyamba. Étant encore jeune, Musinga est inactif dans ce groupe. Le groupe des pro-Mibambwe est, pour sa part, constitué du roi lui-même, des chefs et des détenteurs du code ésotérique déterminés à appliquer, à la lettre, les volontés de Kigeli Rwabugiri. Ce sont, entre autres, Rutikanga, Kibaba, le chef Bisangwa, le prince et chef Muhigirwa, le chef Mugugu, le prince et chef Karara, de même que le chef Cyoya.
À partir de janvier 1896, le camp de Musinga s’attèle à affaiblir le camp adverse en éliminant ou en faisant assassiner les chefs Mugugu, Bisangwa et son successeur Sehene, ainsi qu’en recrutant directement le prince Muhigirwa. Le climat politique s’envenime graduellement tout au long de l’année 1896. Vers la fin de cette année, les Rwandais se promènent déjà les armes à la main en attendant l’affrontement final devant départager les deux camps. Ce baroud d’honneur éclate fortuitement au début du mois de décembre 1896, à Rucunshu. Les combats se déroulent toute la journée et se concluent par le suicide de Mibambwe IV Rutarindwa en compagnie de ses épouses et de ses trois fils. La confrontation de Rucunshu, connue sous le nom de « Coup d’État de Rucunshu », survient seize mois après le décès de Kigeli IV Rwabugiri. Au lendemain de ce coup d’État, Kanjogera suivie par son fils Musinga quitte la localité de Rucunshu et s’installe à Rwamiko (Nyamabuye).
Au début du mois de février 1897, Musinga est intronisé à Runda, près de Gihara, comme le nouveau roi sous le nom de Yuhi V et sa mère Kanjogera abandonne le précédent titre de Nyiramibambwe IV pour adopter dorénavant celui de Nyirayuhi V. Ainsi, Kanjogera devient la seule reine-mère à avoir diriger le Rwanda pendant deux règnes successifs. En 1899, Yuhi Musinga et Nyirayuhi Kanjogera s’établissent à Mwima, à Nyanza. Depuis cette année jusqu’en 1961, Nyanza devient le siège de la cour royale du Rwanda.
Suite à sa force de caractère et à la timidité du roi Yuhi Musinga, la reine-mère Nyirayuhi Kanjogera est la personne la plus puissante du Rwanda. Avec ses demi-frères Kabare, Ruhinankiko et plus tard, Musinga, Nyirayuhi Kanjogera dirige le Rwanda d’une main de fer. Aucune décision n’est prise sans son consentement et aucun jugement n’est rendu sans son avis. Sa parole vaut son pesant d’or. Et, pour préserver sa puissance et garder le contrôle sur les hautes sphères du pays, Kanjogera place les membres de sa famille au cœur du pouvoir. Elle marie ses nièces Nyirakabuga, Kagisha, Kankazi et sa petite-nièce Mukaruhinda à son royal fils Yuhi Musinga et le garde de ce fait sous radar. Ensuite, elle nomme ou fait investir ses neveux Rwidegembya, Rwubusisi et Kayondo aux postes administratifs.
Cependant, durant son règne, Kanjogera fait face à plusieurs menaces et à des situations aussi difficiles que dangereuses.
Un mois après sa seconde intronisation, le Rwanda perd sa souveraineté politique et se soumet à la domination coloniale occidentale. Le 20 mars 1897, le capitaine Hans Von Ramsay, chef de la station d’Udjiji et délégué du ministère allemand des Affaires étrangères, informe la cour royale que le Rwanda passe désormais sous protectorat allemand. Quelques années plus tard, en 1916, les Allemands sont remplacés au Rwanda par les Belges victorieux des combats de la Première Guerre mondiale en Afrique orientale. De 1916 à 1924, le Rwanda est occupé militairement par les Belges. Puis, à partir de 1924, commence le mandat exercé par la Belgique pour le compte de la Société des Nations. Sur le plan politico-administratif, cela signifie que l’administration belge prédomine sur l’autorité de Yuhi Musinga et de Nyirayuhi Kanjogera. De plus, durant les périodes d’occupation et de mandat, le roi Musinga et la reine-Mère Kanjogera sont progressivement dépouillés par l’administration belge de leurs prérogatives royales : ils perdent le droit de vie ou de mort sur leurs sujets, ils ne peuvent plus punir ces derniers sans la présence d’un responsable belge et ils n’ont plus la latitude de nommer ou de destituer les chefs sans l’autorisation de l’administration belge. Leur pouvoir perd de son aura et de sa substance d’autant plus que par les réformes de 1926, les circonscriptions politiques sont modifiées pour se conformer à la conception administrative occidentale et que les nouveaux chefs sont, cette fois, désignés par l’autorité belge.
Au lendemain de sa seconde intronisation, juste après avoir passé au fil de l’épée tous les supporteurs de l’ancien roi Mibambwe Rutarindwa, la reine-mère Nyirayuhi Kanjogera fait aussi face au schisme du camp des vainqueurs de Rucunshu. Ses deux demi-frères Kabare et Ruhinankiko se brouillent, à partir de 1897, et s’affrontent, par clients interposés, pour dominer la scène politique du pays. La lutte fratricide entre les deux fils de Rwakagara se termine par la victoire de Kabare en 1905, la déchéance de Ruhinankiko, le décès d’innombrables guerriers de leurs deux camps ainsi que par la fragilisation militaire du Rwanda.
Le début du règne de Nyirayuhi Kanjogera connait également une sévère crise de légitimité qui s’étend de 1897 à 1911. Au lendemain de Rucunshu, les princes de sang, certains grands chefs et les populations de plusieurs régions du Rwanda, surtout le Nord, considèrent le roi Yuhi Musinga et la reine-mère Nyirayuhi Kanjogera comme des monarques régicides, usurpateurs et donc illégitimes. Pour le premier groupe, le véritable successeur de Kigeli Rwabugiri est Mibambwe Rutarindwa et non Yuhi Musinga. Par conséquent, ils rejettent l’autorité de ce dernier, se soustraient au paiement des tributs de soumission, renvoient violemment ses représentants officiels et s’attaquent même aux membres de sa famille, à l’instar de sa tante Nyamashaza, la grande sœur de Kanjogera, qui est assassinée à sa résidence du Buriza. Aidée par ses demi-frères, Kanjogera venge le meurtre de sa sœur par un châtiment des plus sévères, puis mate les révoltes des princes Muhigirwa, Baryinyonza et Biregeya et écrase enfin, grâce à l’intervention militaire allemande, les rébellions du Nord conduites par Ndungutse (Birasisenge), Rukara et Basebya.
C’est également durant le règne de Nyirayuhi Kanjogera et de Yuhi Musinga que les croyances religieuses occidentales sont introduites au Rwanda et qu’elles s’y développent au point de supplanter complètement les croyances religieuses locales. Le catholicisme est introduit au Rwanda, en 1900, par les Pères Blancs, le protestantisme est initié au « Pays des mille collines », à partir de 1907, par la Société allemande de Bethel, l’église adventiste du 7e jour s’y implante à partir de 1920, au moment où la population rwandaise commence à se détacher, peu à peu, des croyances rwandaises.
Au fur et à mesure que les années passent, Nyirayuhi Kanjogera vieillit et perd un peu de sa poigne. La crainte qu’elle inspirait autrefois s’est dissipée avec les années d’autant plus qu’elle n’a plus le pouvoir de châtier sévèrement ses détracteurs. À partir de 1918, elle se laisse volontairement photographier par les Occidentaux de passage alors qu’auparavant, aucun commun des mortels n’avait même pas pu l’apercevoir de loin. Son fils, le roi Yuhi Musinga, prend un peu d’assurance et se libère doucement de sa tutelle. En 1923, il répudie toutes ses femmes apparentées à sa mère et en épouse d’autres issues d’autres clans. Cependant, il ne parvient pas à se défaire totalement de l’influence de sa mère au grand dam des conseillers royaux qui lui suggèrent, vers 1928, d’introniser un corégnant allié des Belges et de convaincre sa mère de mettre fin à ses jours, conformément aux dispositions du code ésotérique qui interdisent aux reines-mères de vivre pendant le règne de leur petit-fils. Cette suggestion rencontre la désapprobation de Kanjogera très attachée à sa propre vie.
Suite à la longue mésentente entre le roi Yuhi Musinga et l’administration mandataire belge, le vice-gouverneur général du Ruanda-Urundi, Charles Voisin, informe, le 12 novembre 1931, le roi Musinga et sa mère de leur déposition ainsi que de leur relégation au sud-ouest du Rwanda. Deux jours plus tard, les deux anciens monarques ainsi que sept femmes de Musinga et leurs enfants en bas âge sont transportés à travers le Nyantango et le Bunyambiriri. Leur caravane de 700 personnes, dont 450 porteurs, passe une semaine en route et aboutit finalement à Kamembe, dans le territoire de Shangugu, son lieu d’exil. Pendant ce temps, l’un des fils de Musinga, à savoir Rudahigwa, est intronisé, le 16 novembre 1931, sous le nom de Mutara III. Sa mère Kankazi, nièce de Kanjogera, est investie sous le nom de Nyiramavugo III. Kanjogera perd ainsi ses honneurs et se résout, tant bien que mal, à son nouveau statut de bannie.
Dans son lieu de relégation, Kanjogera de même que son fils Musinga sont entretenus par le roi Mutara Rudahigwa. Celui-ci leur adresse un mandat postal mensuel de 2000 francs ainsi que des produits laitiers de leur cheptel bovin de 363 vaches. À Kamembe, Kanjogera mène une vie discrète et reçoit clandestinement des cadeaux de ses fidèles ainsi que ceux des membres de sa famille.
Le 2 octobre 1933, Kanjogera décède à Kamembe. Au cours des jours suivants, son corps est préparé et boucané, sur un feu de bois aromatiques, par deux gardiens du code ésotérique dépêchés par le roi Mutara Rudahigwa. Ce processus retarde ainsi la décomposition de sa dépouille. Celle-ci est ensuite enveloppée dans des écorces de ficus et recouverte de nattes, puis transportée à Rutare, où elle est enterrée, en janvier 1934, auprès de son mari, Kigeli Rwabugiri, par une vingtaine de détenteurs du code ésotérique du Rwanda.
En 1962, le site de la sépulture de Nyirayuhi Kanjogera est profané et transformé en bananeraie. Six ans plus tard, sa tombe est découverte et exhumée par l’archéologue Francis Van Noten, du Musée royal de l’Afrique centrale. Actuellement, le corps de Nyirayuhi Kanjogera repose au Musée ethnographique de Huye (Rwanda).
Nyirayuhi Kanjogera reste toujours dans la mémoire populaire rwandaise, tantôt adulée pour sa beauté et sa puissance de séduction, tantôt honnie pour sa force de caractère et sa froideur politique. Sujette à plusieurs légendes tout aussi invérifiables, Nyirayuhi Kanjogera a été positivement louée dans la célèbre chanson « Kanjogera injoge » de Masamba Intore/Alphonse Butera (2014), reprise de la chanson à la cithare « i Mitoma ».
Auteur: Dantès Singiza
Sources : Delmas Léon, "Généalogies de la noblesse (les Batutsi) du Ruanda", Kabgayi, Vicariat apostolique du Ruanda, 1950; Van Noten Francis, "Les tombes du roi Cyirima Rujugira et de la reine-mère Nyirayuhi Kanjogera. Description archéologique", Tervuren, MRAC, 1972; KAGAME Alexis, "Un abrégé de l'histoire du Rwanda, Tome 2: 1853-1972", Butare, Editions de l'Université nationale du Rwanda, 1975; Bourgeois René, "Témoignages. Tome 1-Volume 1: fonctionnaire territorial (1931-1961)", Tervuren, MRAC, 1982; Ubuyobozi Bukuru bw'Umuco n'Ubugeni, "Ingoma ya Kigeli Rwabugili na Nyirayuhi Kanjogera", Kigali, Minisiteri y'Amashuri Makuru n'Ubushakashatsi mu by'Ubuhanga, 1988; Linden Ian, "Christianisme et pouvoirs au Rwanda (1900-1990)", Paris, Karthala, 1999; Vansina Jan, "Le Rwanda ancien: le royaume nyiginya", Paris, Karthala, 2001; Muzungu Bernardin, "Histoire du Rwanda précolonial", Paris, L'Harmattan, 2003; Des Forges Alison, "Defeat is the only bad news: Rwanda under Musinga, 1896-1931", Madison, The University of Wisconsin Press, 2011.