Nyiramavugo III, Kankazi Radegonde
Personne
Dates
- Existence: 1890 - 1973
Biographie
Nyiramavugo III Kankazi Radegonde est née vers 1890. Elle est la fille de Mbanzabigwi et de Nyiranteko, fille de Nzagura du clan des Bashambo.
Par son père, Kankazi appartient au clan des Bega et au lignage des Bakagara, autrement dit les descendants de Rwakagara, le père de Mbanzabigwi. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le lignage des Bakagara est, sans conteste, le lignage le plus puissant du Rwanda. Il compte alors les personnages ayant les rênes du pays dans leurs mains : la reine-mère Nyirayuhi V Kanjogera est la fille de Rwakagara, les chefs Kabare et Ruhinankiko qui assurent la régence pendant la minorité du roi sont les frères de Kanjogera, le roi Yuhi V Musinga est lui-même le petit-fils de Rwakagara, les cousins, les cousines, les neveux et les nièces de Kankazi font partie du gotha du Rwanda, à l’exemple de Rwidegembya, Rwagataraka, Fundi, Rwubusisi, Kagisha, Kampororo, Nyirakabuga, Bakayishonga, Rwigemera, Bwisimbi, Semugeshi, Rutaremara, Ngoga, Rwabutogo, Hitiyise, Sekaryongo, etc. Kankazi grandit ainsi au sein d’une famille politiquement puissante et économiquement riche. Elle a par ailleurs pour frères et sœurs : Kayondo (il deviendra plus tard un grand chef du Rwanda), Munyakigeli, Kabanyana, Mukankanza et Mukanyonga.
Au terme de sa puberté, Kankazi est donnée à son cousin, le roi Yuhi V Musinga, comme épouse. En mars 1911, elle donne naissance à leur fils, Rudahigwa, son unique enfant. Kankazi et Rudahigwa vivent alors à Rwesero, à Nyanza, en face de la colline de Mwima où se trouve le palais royal de Musinga. Ils côtoient quotidiennement le roi ainsi que les autres épouses et enfants de Musinga. En février 1923, le roi Yuhi V Musinga répudie toutes ses épouses du clan des Bega et du lignage des Bakagara. Kankazi est du lot. Suivant les directives de la cour royale, elle quitte Rwesero, Nyanza, et se met, au Busanza, sous la protection de son frère Kayondo. Celui-ci doit, de ce fait, pourvoir aux besoins de sa sœur et entretenir son neveu Rudahigwa qui reste, un moment, à Nyanza.
Suite au désaccord entre Rudahigwa et Kayondo, ce dernier coupe les vivres au premier et l’oblige ainsi à quitter Nyanza. Kankazi et Rudahigwa s’établissent momentanément à l’Est du Rwanda. Puis, ils retournent à Nyanza lorsque Rudahigwa devient secrétaire de son père. En juillet 1929, Kankazi suit son fils au centre du Rwanda lorsqu’il est nommé chef du Marangara.
Le 12 novembre 1931, le roi Yuhi Musinga est destitué par l’administration mandataire belge et remplacé, quatre jours plus tard, par son fils Rudahigwa. Celui-ci est alors intronisé sous le nom dynastique de Mutara III. Conformément aux dispositions du code ésotérique du Rwanda, Kankazi devient ipso-facto reine-mère du Rwanda et elle est alors intronisée sous le nom de Nyiramavugo III. Suite à l’injonction de l’administration belge, la reine-mère Nyiramavugo III Kankazi s’installe à Shyogwe, à plus de 50 kilomètres de Nyanza où vit son fils, le roi Mutara III Rudahigwa. Tout est donc fait par les fonctionnaires belges pour éloigner Kankazi de son fils, limiter son influence sur celui-ci et éviter ainsi de reproduire l’expérience du règne précédent où le roi Yuhi V Musinga se trouvait sous l’emprise de sa mère, Nyirayuhi V Kanjogera.
En 1933, l’administration belge achève la construction du palais royal de Shyogwe érigé en briques et en tuiles cuites. Nyiramavugo Kankazi s’y installe aussitôt. Elle y vit avec sa petite sœur Immaculée Kabanyana ainsi qu’avec leurs domestiques. Au fil des années, elle y entretient une petit cour de danseurs, de footballeurs ainsi que de jeunes pages se formant à la vannerie traditionnelle rwandaise. Au grand dam et dans l’ignorance la plus complète de l’administration belge, Nyiramavugo Kankazi exerce une grande influence sur son fils. Elle le conseille discrètement sur la gouvernance du pays. En 1941, elle l’aide même à sélectionner sa nouvelle épouse parmi les plus belles filles du royaume.
Le 17 octobre 1943, elle est baptisée, avec son fils, dans la basilique de Kabgayi et reçoit le prénom de Radegonde. En plus de partager son avis sur la gestion du Rwanda, Radegonde Nyiramavugo III Kankazi participe à toutes les festivités et autres célébrations politiques. En 1958, elle accompagne son fils à l’Exposition universelle de Bruxelles.
Le 25 juillet 1959, le roi Mutara III Rudahigwa meurt inopinément à Bujumbura. Le lendemain, la reine-mère Nyiramavugo Kankazi se rend dans la capitale burundaise afin de procéder au rapatriement de sa dépouille.
La nouvelle de la mort subite de Mutara III entraine un véritable émoi au Rwanda. Beaucoup de Rwandais rejettent la version fournie par la tutelle belge selon laquelle un choc anaphylactique est à l’origine de son décès. En revanche, ils désignent l’administration belge et l’autorité de l’Église catholique au Rwanda comme les instigateurs voire les auteurs de cette disparition. Dans l’opinion publique rwandaise comme dans les hautes sphères politiques du pays se dessinent rapidement deux tendances liées à deux souhaits antagonistes : certains Rwandais exigent l’autopsie de la dépouille de Mutara alors que d’autres la jugent inutile et profanatrice. La reine-mère Kankazi fait alors partie du second groupe ; elle rejette catégoriquement l'éventualité de l'autopsie de la dépouille de Mutara. Elle est confortée dans cette décision par le refus aussi de la majorité des membres du Conseil supérieur du Pays.
Le 28 juillet 1959, Mutara Rudahigwa est donc inhumé à Mwima sans avoir établi la véritable cause de son décès. Son demi-frère, le prince Jean-Baptiste Ndahindurwa, le remplace au pouvoir sous le nom de Kigeli V. La mère de ce dernier, Bernadette Mukashema, est intronisée comme nouvelle reine-mère sous le nom de Mukakigeli V. Radegonde Kankazi redevient ainsi un simple sujet du Rwanda. Elle abandonne le trône, mais continue de vivre à Shyogwe.
Après les troubles de novembre 1959 et les massacres perpétrés consécutivement contre les Tutsi, plusieurs Rwandais, en grande majorité les Tutsi, fuient leur pays et trouvent refuge dans les pays limitrophes comme la Tanzanie, l’Ouganda, le Congo (futur Zaïre) et le Burundi. Craignant pour sa vie, Radegonde Kankazi prend le chemin de l’exil en 1961 et s’installe d’abord au Congo. Par la suite, elle émigre au Burundi et s’établit à Bujumbura où elle vit dans des conditions modestes. Elle y décède en 1973, sans avoir remis les pieds au Rwanda.
Par son père, Kankazi appartient au clan des Bega et au lignage des Bakagara, autrement dit les descendants de Rwakagara, le père de Mbanzabigwi. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, le lignage des Bakagara est, sans conteste, le lignage le plus puissant du Rwanda. Il compte alors les personnages ayant les rênes du pays dans leurs mains : la reine-mère Nyirayuhi V Kanjogera est la fille de Rwakagara, les chefs Kabare et Ruhinankiko qui assurent la régence pendant la minorité du roi sont les frères de Kanjogera, le roi Yuhi V Musinga est lui-même le petit-fils de Rwakagara, les cousins, les cousines, les neveux et les nièces de Kankazi font partie du gotha du Rwanda, à l’exemple de Rwidegembya, Rwagataraka, Fundi, Rwubusisi, Kagisha, Kampororo, Nyirakabuga, Bakayishonga, Rwigemera, Bwisimbi, Semugeshi, Rutaremara, Ngoga, Rwabutogo, Hitiyise, Sekaryongo, etc. Kankazi grandit ainsi au sein d’une famille politiquement puissante et économiquement riche. Elle a par ailleurs pour frères et sœurs : Kayondo (il deviendra plus tard un grand chef du Rwanda), Munyakigeli, Kabanyana, Mukankanza et Mukanyonga.
Au terme de sa puberté, Kankazi est donnée à son cousin, le roi Yuhi V Musinga, comme épouse. En mars 1911, elle donne naissance à leur fils, Rudahigwa, son unique enfant. Kankazi et Rudahigwa vivent alors à Rwesero, à Nyanza, en face de la colline de Mwima où se trouve le palais royal de Musinga. Ils côtoient quotidiennement le roi ainsi que les autres épouses et enfants de Musinga. En février 1923, le roi Yuhi V Musinga répudie toutes ses épouses du clan des Bega et du lignage des Bakagara. Kankazi est du lot. Suivant les directives de la cour royale, elle quitte Rwesero, Nyanza, et se met, au Busanza, sous la protection de son frère Kayondo. Celui-ci doit, de ce fait, pourvoir aux besoins de sa sœur et entretenir son neveu Rudahigwa qui reste, un moment, à Nyanza.
Suite au désaccord entre Rudahigwa et Kayondo, ce dernier coupe les vivres au premier et l’oblige ainsi à quitter Nyanza. Kankazi et Rudahigwa s’établissent momentanément à l’Est du Rwanda. Puis, ils retournent à Nyanza lorsque Rudahigwa devient secrétaire de son père. En juillet 1929, Kankazi suit son fils au centre du Rwanda lorsqu’il est nommé chef du Marangara.
Le 12 novembre 1931, le roi Yuhi Musinga est destitué par l’administration mandataire belge et remplacé, quatre jours plus tard, par son fils Rudahigwa. Celui-ci est alors intronisé sous le nom dynastique de Mutara III. Conformément aux dispositions du code ésotérique du Rwanda, Kankazi devient ipso-facto reine-mère du Rwanda et elle est alors intronisée sous le nom de Nyiramavugo III. Suite à l’injonction de l’administration belge, la reine-mère Nyiramavugo III Kankazi s’installe à Shyogwe, à plus de 50 kilomètres de Nyanza où vit son fils, le roi Mutara III Rudahigwa. Tout est donc fait par les fonctionnaires belges pour éloigner Kankazi de son fils, limiter son influence sur celui-ci et éviter ainsi de reproduire l’expérience du règne précédent où le roi Yuhi V Musinga se trouvait sous l’emprise de sa mère, Nyirayuhi V Kanjogera.
En 1933, l’administration belge achève la construction du palais royal de Shyogwe érigé en briques et en tuiles cuites. Nyiramavugo Kankazi s’y installe aussitôt. Elle y vit avec sa petite sœur Immaculée Kabanyana ainsi qu’avec leurs domestiques. Au fil des années, elle y entretient une petit cour de danseurs, de footballeurs ainsi que de jeunes pages se formant à la vannerie traditionnelle rwandaise. Au grand dam et dans l’ignorance la plus complète de l’administration belge, Nyiramavugo Kankazi exerce une grande influence sur son fils. Elle le conseille discrètement sur la gouvernance du pays. En 1941, elle l’aide même à sélectionner sa nouvelle épouse parmi les plus belles filles du royaume.
Le 17 octobre 1943, elle est baptisée, avec son fils, dans la basilique de Kabgayi et reçoit le prénom de Radegonde. En plus de partager son avis sur la gestion du Rwanda, Radegonde Nyiramavugo III Kankazi participe à toutes les festivités et autres célébrations politiques. En 1958, elle accompagne son fils à l’Exposition universelle de Bruxelles.
Le 25 juillet 1959, le roi Mutara III Rudahigwa meurt inopinément à Bujumbura. Le lendemain, la reine-mère Nyiramavugo Kankazi se rend dans la capitale burundaise afin de procéder au rapatriement de sa dépouille.
La nouvelle de la mort subite de Mutara III entraine un véritable émoi au Rwanda. Beaucoup de Rwandais rejettent la version fournie par la tutelle belge selon laquelle un choc anaphylactique est à l’origine de son décès. En revanche, ils désignent l’administration belge et l’autorité de l’Église catholique au Rwanda comme les instigateurs voire les auteurs de cette disparition. Dans l’opinion publique rwandaise comme dans les hautes sphères politiques du pays se dessinent rapidement deux tendances liées à deux souhaits antagonistes : certains Rwandais exigent l’autopsie de la dépouille de Mutara alors que d’autres la jugent inutile et profanatrice. La reine-mère Kankazi fait alors partie du second groupe ; elle rejette catégoriquement l'éventualité de l'autopsie de la dépouille de Mutara. Elle est confortée dans cette décision par le refus aussi de la majorité des membres du Conseil supérieur du Pays.
Le 28 juillet 1959, Mutara Rudahigwa est donc inhumé à Mwima sans avoir établi la véritable cause de son décès. Son demi-frère, le prince Jean-Baptiste Ndahindurwa, le remplace au pouvoir sous le nom de Kigeli V. La mère de ce dernier, Bernadette Mukashema, est intronisée comme nouvelle reine-mère sous le nom de Mukakigeli V. Radegonde Kankazi redevient ainsi un simple sujet du Rwanda. Elle abandonne le trône, mais continue de vivre à Shyogwe.
Après les troubles de novembre 1959 et les massacres perpétrés consécutivement contre les Tutsi, plusieurs Rwandais, en grande majorité les Tutsi, fuient leur pays et trouvent refuge dans les pays limitrophes comme la Tanzanie, l’Ouganda, le Congo (futur Zaïre) et le Burundi. Craignant pour sa vie, Radegonde Kankazi prend le chemin de l’exil en 1961 et s’installe d’abord au Congo. Par la suite, elle émigre au Burundi et s’établit à Bujumbura où elle vit dans des conditions modestes. Elle y décède en 1973, sans avoir remis les pieds au Rwanda.
Auteur : Dantès Singiza
Sources : Delmas Léon, "Généalogies de la noblesse (les Batutsi) du Ruanda", Kabgayi, Vicariat apostolique du Ruanda, 1950; Des Forges Alison, "Defeat is the only bad news. Rwanda under Musinga, 1896-1931", Madison, The University of Wisconsin Press, 2011 ; Kagame Alexis, "Un abrégé de l'histoire du Rwanda, Tome 2: 1853-1972", Butare, Éditions de l'Université nationale du Rwanda, 1975; Bahujimihigo Kizito, "Mutara III Rudahigwa : Uwatuye u Rwanda Kristu Umwami", Kigali, Pallotti Presse, 2013; Bahujimihigo Kizito, "Rozaliya Gicanda : Umwamikazi n'Umukristukazi w'Imena", Kigali, Pallotti Presse, 2015 ; Jaspers Louis, "Ruanda: Ma vie d'administrateur de territoire. Tome II 1956-1960 : Progrès, démocratisation, justice, révolution, la marche douloureuse vers l'indépendance", Bruxelles, Éditions Scribe, 2013; Mugesera Antoine, "Le progrès du Rwanda sous Rudahigwa : Avancées et retards", in "Dialogue", n°188, (2009), p. 54-115.