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Kigeli V, Ndahindurwa Jean-Baptiste

 Personne

Dates

  • Existence: 1936 - 2016

Biographie

Né à Kamembe, dans le territoire de Shangugu, le 29 juin 1936, Ndahindurwa est le fils du roi déchu Yuhi V Musinga et de Bernadette Mukashema, fille de Gakuba du clan des Bega et du lignage des Baruranga. Il est le demi-frère du roi Mutara III Rudahigwa Charles-Léon-Pierre. Par son père, Ndahindurwa appartient au clan des Banyiginya et au lignage des Bahindiro.

Durant peut-etre son enfance, Ndahindurwa est baptisé au sein de l’Église catholique romaine et reçoit alors le prénom de Jean-Baptiste. Son père ajoute au nom de Ndahindurwa, le prénom de Nzarugarura ou "le Rwanda me reviendra", pour exprimer son souhait de retour au trône. À l’âge de 4 ans, Ndahindurwa suit sa mère et son père, Musinga, au Congo belge lorsque ce dernier y est déporté, le 20 juillet 1940, par l’administration belge inquiète de son regain de popularité. Presque tout l'entourage de Yuhi Musinga est alors établi dans le territoire de Moba de la province d’Élisabethville. Jean-Baptiste Ndahindurwa y commence son instruction primaire grâce à un instructeur engagé par son père. Il apprend la lecture, l’écriture, le calcul, le swahili et le français.

À la mort de son père survenu en décembre 1944, Ndahindurwa rentre au Rwanda avec sa mère. Ils s’établissent dans le territoire de Kibungo en 1945. Il poursuit sa scolarité à la mission catholique de Rwamagana jusqu’en 1949. L’année suivante, il rejoint l’école catholique de Kabgayi dirigé par les Frères Joséphites et y termine son instruction primaire.

Il intègre ensuite l’école secondaire, notamment le Groupe scolaire d’Astrida dirigé par les Frères de la Charité. Il y reste jusqu’en 1952, année où il rallie le Collège des Frères maristes de Nyangezi, au Congo belge. Il y étudie, jusqu’en 1956, les sciences administratives. Diplômé du Collège de Nyangezi, Ndahindurwa entre par la suite au service de l’administration tutélaire belge. De 1956 à 1958, il exerce la fonction de secrétaire au bureau du territoire d’Astrida. Puis, de 1958 jusqu’en juillet 1959, il est nommé à la tête de la sous-chefferie de Rukondo-Kami, de la chefferie du Bufundu. Il y acquiert la réputation d’un jeune sous-chef honnête, modeste, serviable et souriant en permanence.

Suite à la mort inopinée de son demi-frère, le roi Mutara III Rudahigwa, survenu le 25 juillet 1959, Jean-Baptiste Ndahindurwa lui succède, trois jours plus tard, à la tête du royaume du Rwanda dans les circonstances considérées comme un coup d’État par les autorités belges surprises. Ndahindurwa reçoit alors le nom dynastique de Kigeli V et règne avec sa mère, Nyirakigeli V Mukashema, en conformité aux règles du code ésotérique rwandais.

Au lendemain de sa nomination, il effectue, du 3 au 22 août 1959, une tournée triomphale dans tout le pays où il est acclamé abondamment par ses sujets.

Le 9 octobre 1959, il prête serment, à Kigali, comme monarque constitutionnel devant le Vice-gouverneur général du Ruanda-Urundi, Jean-Paul Harroy, et le résident du Rwanda, André Preud'homme. Durant ce mois d’octobre 1959, plusieurs partis politiques émergent et affichent des tendances variées susceptibles d’être regroupées en deux bords principaux : les pro-tutelles belge et les pro-indépendantistes. Dans ce nouveau conflit, Kigeli V essaie tant bien que mal de garder la neutralité. Avec la transformation par l’administration belge de ce conflit politique en conflit des groupes ethniques du Rwanda, c’est-à-dire en conflit entre les Hutu pro-tutelles et les Tutsi pro-indépendantistes, Kigeli V, issu au départ du groupe des Tutsi, est vite catégorisé comme anti-tutelle belge et placé de plus en plus dans la marginalité.

Au début de novembre 1959 surviennent les troubles qualifiés par certains de « révolution » et caractérisés par les persécutions, les massacres ainsi que l’exil des Tutsi. Kigeli V essaie alors de calmer la situation sans succès et se heurte à l’opposition de l’administration belge œuvrant à l’abolition de la monarchie rwandaise et à l’instauration d’une république pro-belge à dominance hutu. Dès la mi-novembre, les chefs tutsi sont effectivement remplacés par des chefs hutu, ceux-ci deviennent plus tard des préfets et des bourgmestres lors de la transformation de chefferies et de sous-chefferies en préfectures et en communes. Profitant du séjour de Kigeli V au Congo en mai 1960, l’administration belge du Ruanda-Urundi le déclare persona non grata et s’oppose à son retour au Rwanda. Kigeli V quitte alors le Congo et s’installe à Dar es-Salaam, en Tanzanie. Par la résolution n° 1580 du 20 décembre 1960, l’ONU enjoint la Belgique de faciliter le retour de Kigeli V au Rwanda, de le rétablir dans ses prérogatives, d’organiser un référendum sur le maintien de la monarchie et de réconcilier les Rwandais.

Désireux de devancer rapidement les plans de l’ONU, l’administration belge coorganise, avec les responsables des partis politiques hutu, une réunion de bourgmestres du Rwanda, le 28 janvier 1961, à Gitarama. Ces responsables votent par acclamation l’abolition de la monarchie, la destitution de Kigeli V et l’instauration de la république présidée alors par Dominique Mbonyumutwa.

Contrariée par ces événements connus désormais sous le nom de « Coup d’État de Gitarama », l’ONU impose la tenue d’un référendum sur la préservation de la royauté et le maintien de Kigeli V au trône. Cette consultation se déroule le 25 septembre 1961, en l’absence de Kigeli V. Celui-ci, rentré clandestinement au Rwanda, le 23 septembre 1961, est en effet détenu à Usumbura, en Urundi, d’où il sera renvoyé, le 2 octobre 1961, à Dar es-Salaam. Le référendum se solde par près de 80 % de rejet de la monarchie et du roi Kigeli V ainsi que par l’adoption du régime républicain.

Le Rwanda accède à l’indépendance le 1er juillet 1962 et Grégoire Kayibanda en devient le président. Pendant ce temps, Kigeli V vit à Dar es-Salaam jusqu’en 1962, d’où il émigre vers Nairobi, au Kenya, et s’y établit jusqu’en 1971. En 1972, il s’installe à Kampala, en Ouganda, où il est proche du Field-Marshal Idi Amin Dada. À la chute de ce dernier, il retourne à Nairobi jusqu’en 1992. Il aura alors assisté à la chute de la 1e république de Grégoire Kayibanda (1962-1973) et à l’instauration de la 2e république du général-major Juvénal Habyarimana (1973-1994).

Cependant, depuis octobre 1990, les réfugiés tutsi constitués en une force politico-militaire, le Front patriotique rwandais, livrent une guerre de revendication de leur droit de retour et de libération du Rwanda. Fragilisé sur les plans politique et militaire, le régime de Habyarimana menace de s’en prendre physiquement à ses prétendus opposants dont le principal se trouve être le roi Kigeli V Ndahindurwa. Craignant pour sa vie, celui-ci fuit la capitale kenyane et se rend aux États-Unis d’Amérique. Il s’installe, en juin 1992, à Oakton, en Virginie, dans la banlieue de Washington D.C.

Comme par le passé, Kigeli V continue de veiller au bien-être des réfugiés rwandais dans leur pays d’accueil tout en suivant de près l’actualité politique du Rwanda. Sa présence aux États-Unis d’Amérique lui permet aussi de s’adresser facilement aux instances onusiennes en les alertant parfois de la dégradation du climat politique de son pays natal. Ainsi, le 20 mars 1994, il envoie une note alarmante à l’ONU :

« …les Accords d’Arusha qui ont été signés auparavant [le 4/8/1993] avec certaines nations et organisations ont été si longtemps retardés. Je crains que ce retard n’entraîne un terrible chaos au Rwanda, [à un niveau] qui n’a jamais été vécu là-bas auparavant. » (trad. à partir de Addington Saint-David Stewart, 2018: 134)

Deux semaines après cette missive, le génocide contre les Tutsi est déclenché ; il entrainera plus d’un million de morts.

Au lendemain du génocide, Kigeli V demeure toujours aux États-Unis d'Amérique. Il s’active et sollicite l’aide tant financière que matérielle pour reconstruire le Rwanda. En 1998, il met en place sa propre fondation, la Fondation du roi Kigeli V, destinée à apporter l’aide humanitaire aux réfugiés rwandais éparpillés aux quatre coins du monde.

Le 16 octobre 2016, il meurt en exil, aux États-Unis d’Amérique, d’une attaque cardiaque survenue deux jours plus tôt. Il sera enterré, le 15 janvier 2017, au Rwanda, à Nyanza, sur la colline de Mwimwa, à côté de son demi-frère, le roi Mutara III Rudahigwa, enseveli dans le Mausolée abritant aussi la tombe de son épouse Rosalie Gicanda.

Le roi Kigeli V est décédé célibataire et sans héritier officiel conformément aux dispositions du code ésotérique rwandais interdisant le mariage et la procréation d’un monarque rwandais en exil.

Kigeli V Ndahindurwa Jean-Baptiste était le petit frère du même lit de Joseph Ruzindana et le demi-frère, entre autres, de Mutara III Rudahigwa, d’Étienne Rwigemera, d’Emma Bakayishonga, de François-Xavier Ruzibiza, de Gertrude Musheshambugu, de Robert Bellarmin Subika et de Spéciose Mukabayojo. Il était l’oncle de Gérard Rwigemera et de bien d'autres princes.
Auteur : Dantès Singiza
Sources : KAGAME Alexis, "Un abrégé de l'histoire du Rwanda, Tome 2: 1853-1972", Butare, Editions de l'Université nationale du Rwanda, 1975; RUMIYA Jean-Gualbert, "La région occupée par l’ancienne commune Mukura 1897-1975 : étude historique", mémoire de licence en histoire, inédit, Université nationale du Rwanda, 1978, p. 134-135; Addington Saint-David Stewart, "King Kigeli V and the Shattered kingdom of Rwanda (1896-2016)", Editions Elgiad, 2018; Singiza Dantès, "La Deuxième Guerre mondiale au Rwanda (1939-1945): impact du conflit sur les populations", Thèse de doctorat en histoire, Université de Liège, 2018.