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Bwanakweli, Prosper

 Personne

Dates

  • Existence: 1924 - 1963

Biographie

Prosper Bwanakweli est né, en 1924, dans le Bunyambiriri. Il est le fils du grand chef Paul Nturo et de la sous-cheffe Angeline Kampororo, ainsi que le frère des sous-chefs Déogratias Rwamulinda, Frédéric Butera (célèbre danseur intore), Alphonse Nkusi, Thémistocles Higiro, Oswald Nkuranga et Augustin Muhikira.

Par son père, Prosper Bwanakweli appartient au clan des Banyiginya et au prestigieux lignage des Banana ou les descendants de Munana, le père de Marara, le grand-père de Nyirimigabo et l'arrière-grand-père de Paul Nturo. Munana est, quant à lui, le fils du prince Gihana et le petit-fils du roi Cyilima II Rujugira. Cela étant, Prosper Bwanakweli est alors l'arrière-arrière-petit-fils de Munana. Par ailleurs, Paul Nturo dirige la chefferie du Kabagali depuis le début du mandat belge jusqu'à son décès survenu en 1943. Nturo avait cependant été chef de plusieurs provinces à partir du règne du roi Kigeli IV Rwabugiri.

La mère de Bwanakweli, Angeline Kampororo, est, à son tour, originaire de l'illustre lignage des Bakagara ou les descendants de Rwakagara du clan des Bega. En effet, Kampororo est la fille du chef Cyigenza ainsi que la sœur des chefs Rwidegembya et Rwubusisi. Elle est aussi la nièce de la reine-mère Nyirayuhi IV Kanjogera et des chefs Senyamuhara (Giharamagara), Kabare, Ruhinankiko, de même que la cousine du roi Yuhi V Musinga, de la reine-mère Nyiramavugo III Kankazi, des chefs Rwabutogo, Sekaryongo et Kayondo. Kampororo était également la tante des rois Mutara III Rudahigwa et Kigeli V Ndahindurwa. Entre ±1935 et 1944, Angeline Kampororo dirige la sous-chefferie de Nkore située dans la chefferie du Bunyambiriri en territoire de Nyanza. Elle était ainsi l'une des cinq femmes à avoir exercé un commandement politique pendant le mandat et la tutelle belges.

Durant la même période de l'administration belge au Rwanda, les frères de Bwanakeli exercent, à leur tour, des commandements politiques importants. Déogratias Rwamulinda gouverne la sous-chefferie de Mwaka en chefferie du Kabagali, Frédéric Butera commande la sous-chefferie de Mukingo en chefferie du Nduga, Alphonse Nkusi dirige la sous-chefferie de Gitovu en chefferie du Ndiza, Thémistocles Higiro dirige la sous-chefferie de Rubona en chefferie du Kabagali, Oswald Nkuranga administre la sous-chefferie de Gasoro en chefferie du Nduga et Augustin Muhikira commande la sous-chefferie de Kinyambi en chefferie de Rukoma. Toutes ces sous-chefferies et ces chefferies se trouvent alors dans le territoire de Nyanza.

En outre, Prosper Bwanakweli est le cousin des rois Mutara III Rudahigwa et Kigeli V Ndahindurwa, ainsi que celui du prince Étienne Rwigemera, du chef Godefroid Kamuzinzi, de l'agent administratif Lazare Ndazaro, etc.

Formé aux écoles primaires de Muyunzwe et de Kabgayi ainsi qu'au Groupe scolaire d’Astrida (6 ans), P. Bwanakweli effectue son stage dans le territoire de Kigali de février à octobre 1944. Il devient, le 2 février 1945, à la fin de ses études, le chef du Kabagali en territoire de Nyanza. Il remplace alors le chef Alexandre Kayumba en poste depuis 1943 et désigné, par la suite, pour le commandement de la chefferie du Ndiza.

Suite à sa mésentente avec le roi Mutara Rudahigwa, Bwanakweli est muté, en juillet 1955, à la tête de la chefferie de Rusenyi-Itabire, dans le territoire de Kibuye.

Après le décès de Mutara III Rudahigwa en juillet 1959, Prosper Bwanakweli co-fonde le Rassemblement démocratique rwandais (RADER). Il en devient le président. À sa création, le RADER soutient l'administration tutélaire belge. En retour, celle-ci l'appuie aussi bien politiquement que financièrement.

En novembre 1959 éclatent les troubles qualifiés par certains de "révolution". Ces troubles sont marqués par les persécutions voire les massacres des Tutsi. Après ces troubles, P. Bwanakweli est muté dans le territoire de Kigali, avant de démissionner pour être un simple membre du Conseil supérieur du Pays. Au début de mai 1960, il est nommé chef-adjoint du camp de déplacés de Nyamata avec le titre de "commissaire aux réfugiés".

Suite à la partialité de l'administration tutélaire belge en faveur de deux autres partis politiques, à savoir le Parti du Mouvement de l'Émancipation Hutu (PARMEHUTU) et l'Association pour la Promotion sociale de la Masse (APROSOMA), ainsi qu'en raison de l'impunité des crimes perpétrés contre les Tutsi, le parti de Bwanakweli, le RADER, change de ligne politique au cours du mois de juillet 1960. Ce rassemblement politique se rapproche des positions des partis nationalistes comme l'Union nationale rwandaise (UNAR). Il affirme son attachement au régime monarchique, dénonce les crimes impunis, s'oppose à l'occupation militaire belge encourageant l'instauration d'un régime discriminatoire pro-tutélaire et réclame, en définitive, la fin de la tutelle belge de même que le recouvrement de l'indépendance du Rwanda. Avec ce changement de cap, l'administration tutélaire belge cesse de soutenir le RADER et le considère, par conséquent, comme un parti d'opposition à surveiller de très près. Ses leaders, à l'instar de Prosper Bwanakweli, pâtissent de ce nouveau statut et évoluent dès lors dans la marginalité.

Au lendemain des élections communales de juin-juillet 1960, Prosper Bwanakweli témoigne de toute cette situation dans une pétition adressée, le 30 novembre 1960, à l'Assemblée générale de l'ONU :

«Tandis que les leaders PARMEHUTU et APROSOMA, racistes aveugles, et ennemis de notre indépendance, menèrent leur campagne avec les appuis, financiers et autres, des fonctionnaires de l'Administration, les responsables de notre parti se voyaient interdire toute circulation dans le pays, toute participation à des meetings, et toute propagande, sans l'accord écrit du Résident spécial du Rwanda. Ces autorisations, on le comprend, étaient parcimonieusement accordées, et toujours à des personnes jugées peu "dangereuses" pour la politique belge, et, dans tous les cas, toujours "revocables". C'est ainsi que moi-même, président de ce parti, je n'ai été autorisé à prendre la parole qu'une seule fois depuis la fondation de mon parti, et ce, pendant un maximum de cinq minutes. De plus, deux camions de paracommandos assistaient à ce meeting tenu dans un stade de football de Nyanza.»

De plus, neuf jours auparavant, soit le 21 novembre 1960, P. Bwanakweli avait été destitué de ses fonctions de chef du camp de Nyamata.

Après l'indépendance du Rwanda accordée le 1er juillet 1962, Prosper Bwanakweli reste au pays, où il est assassiné, en décembre 1963, par un péloton de la police nationale rwandaise supervisée par des coopérants militaires belges. Son meurtre est alors réalisé en représailles aux attaques des réfugiés tutsi exilés au Burundi.

Prosper Bwanakweli était l'époux de Pascasie Mukakimenyi, la fille de Nyanjwenge, du clan des Bega et du lignage des Bakagara. Nyanjwenge avait dirigé, un moment, la sous-chefferie de Mukingi, de la chefferie de Marangara, en territoire de Nyanza. Nyanjwenge était, par ailleurs, le cousin de Bwanakweli : il était le fils de Sekaragwenyera, le petit-fils de Nyamushanja et l'arrière-petit-fils de Rwakagara. Le grand-père maternel de Bwanakweli, à savoir Cyigenza, était, quant à lui, le demi-frère de Nyamushanja, le grand-père paternel de Nyanjwenge.
Auteur : Dantès Singiza
Sources : MRAC, Fonds De Doncker (Suain), HA.01.320.104 ; MRAC, Fonds Van Bilsen, A.A. Jozef, HA.01.0231.84, "Compte-rendu de la 1067e séance tenue le 30/11/1960. Contient la déclaration faite par Prosper Bwanakweli, représentant le Rassemblement démocratique ruandais (RADER) ainsi que la déclaration faite par Côme Rebero, représentant de l’Union nationale rwandaise, à la 1067e séance de la Quatrième Commission", URL: https://hdl.handle.net/20.500.12624/001-0001-0000011242 ; Archives générales du Royaume 2-dépôt Joseph Cuvelier, RWA 35, RWA 41, RWA 43, RWA 44, RWA 49 ; Delmas Léon, "Généalogies de la noblesse (les Batutsi) du Ruanda", Kabgayi, Vicariat apostolique du Ruanda, 1950 ; Saur Léon, "Catholiques belges et Rwanda : 1950-1964. Les pièges de l'évidence", Thèse de doctorat en histoire, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2012 ; Kimenyi Jean-Berchmans, "De la déconstruction du Rwanda aux massacres des Tutsi en 1959. Témoignage d'un proche collaborateur du roi Mutara III Rudahigwa", Kigali, CNLG, 2019.