Kayihura, Michel
Personne
Dates
- Existence: 1924 - 2003
Biographie
Né en 1924, Michel Kayihura est le fils du chef Jean-Berchmans Manzi du Bunyambiriri et de Thérèse Mukamazera. M. Kayihura est aussi le petit-fils du chef Segore, l'intendant du palais royal de Kigeli IV Rwabugiri et le chef du Bufundu. Par son père, Kayihura appartient au clan des Banyiginya et au lignage des Bakobwa.
Il est le petit-frère de Mgr Jean-Baptiste Gahamanyi, évêque de Butare entre 1962 et 1997.
Michel Kayihura entre au Groupe scolaire d’Astrida en janvier 1936. Il poursuit brillament ses études de tronc commun, puis intègre la section des sciences véterinaires en 1940. Toujours premier de la classe, il effectue son stage vétérinaire tout au long de l'année 1942 et obtient son diplôme de vétérinaire, le 30 décembre 1942.
En février 1943, il est engagé comme garde vétérinaire au laboratoire vétérinaire de Kisenyi. En juillet 1944, il remplace le chef Oswald Sendashonga à la tête de la chefferie de Nyaruguru. Il commande cette région jusqu'en 1954, l'année où il succède au chef Godefroid Kamuzinzi à la tête de la chefferie du Bugoyi. Choisi parmi d'autres chefs, Kayihura est officiellement investi le 06 mars 1954 et gouverne le Bugoyi jusqu'à sa destitution opérée, en 1959, par le résident spécial du Rwanda, le Colonel Guy Logiest.
Proche du roi Mutara III Rudahigwa qui l'apprécie énormément, Michel Kayihura fait partie des chefs qui l'accompagnent lors de son premier voyage en Belgique, en 1949. Il reçoit alors, du gouvernement belge, la Croix de Chevalier de l'Ordre de Léopold II. Cette décoration s'ajoute à la médaille de l'Effort de guerre colonial, obtenue à la fin du Second conflit mondial.
Membre du Conseil supérieur du Pays (CSP) dont il est le vice-président, le chef Kayihura se voit parfois confier la gestion des affaires courantes du pays en l'absence du roi Mutara, notamment lors de ses voyages à l'étranger. C'est également à titre de vice-président du CSP qu'il prononce l'éloge funèbre du roi Mutara III Rudahigwa décédé inopinément, à Usumbura, le 25 juillet 1959, et inhumé, à Mwima, le 28 juillet 1959. À la fin de l'oraison funèbre, le chef Kayihura exprime tout autant la volonté ferme des Rwandais et du CSP d'avoir un successeur au roi défunt, en conformité avec la coutume du pays. Le prince Jean-Baptiste Ndahindurwa, démi-frère de Mutara, est alors désigné comme le nouveau roi du Rwanda, sous le nom dynastique de Kigeli V.
Vice-Président du parti UNAR, un parti prônant la fin de la tutelle belge, Michel Kayihura fuit le Rwanda suite aux troubles de 1959 et s’établit au Kenya où il poursuit ses études vétérinaires jusqu’à l’obtention d’un doctorat en sciences vétérinaires. Spécialiste de l'hygiène alimentaire et de la microbiologie, il enseigne, par la suite, à l'Université de Nairobi.
Dans son lieu d'exil, Michel Kayihura n'oublie pas pour autant son pays natal. Il observe de loin ce qui s'y passe et alerte, à l'occasion, les organisations internationales à propos des dérives des régimes post-coloniaux. Ainsi, au lendemain des massacres perpétrés, en 1963-64, contre les Tutsi, il témoigne dans les colonnes de l'hebdomadaire « Jeune Afrique » de l'étendue de l'horreur et tire, par la même occasion, le signal d'alarme afin d'encourager la communauté internationale à faire cesser les tueries :
« On calcule qu'en l'espace de trois semaines, Kayibanda et son régime ont supprimé 25.000 habitants... Devant ce tableau consternant, devant ce déferlement de haine et de destruction, un devoir immédiat prime toute autre considération. Il faut que les instances internationales interviennent de toute urgence pour mettre fin à cette hécatombe. Quand nous disons "instances internationales", nous entendons l'ONU et l'OUA. Il existe une Commission des Droits de l'Homme auprès des Nations Unies. Elle a l'obligation d'enquêter sur ces crimes et d'établir les responsabilités. De même, il existe une Organisation de l'Unité Africaine. Elle a l’obligation de rappeler à l’ordre le gouvernement du Ruanda dont les méthodes d’extermination introduisent en plein continent africain les plus sinistres aspects du nazisme. II y va de l'honneur de l'Afrique. Contourner cette tragédie ou feindre de s’en désintéresser, c’est préparer des lendemains de sang. Une action énergique de l'OUA pourrait porter à la pacification du Ruanda. L'oeuvre est difficile mais c'est une raison de plus pour l’entreprendre courageusement.» (Michel Kayihura, in « Jeune Afrique » n°171,17-02-1964, p.11)
Ce cri d'alarme tombera dans l'oreille d'un sourd...
Après le génocide contre les Tutsi de 1994, Michel Kayihura rentre au Rwanda. Une fois au pays, il crée, avec d'autres anciens chefs et dignitaires du Rwanda, une association des Sages - Inteko Izirikana - destinée à préserver et à partager son opinion sur l'histoire et la culture rwandaises.
Michel Kayihura est décédé en 2003. Il était l'époux de Véronique Nyirakaragwe, la fille du chef Kabatende, avec laquelle il a eu 10 enfants.
Il est le petit-frère de Mgr Jean-Baptiste Gahamanyi, évêque de Butare entre 1962 et 1997.
Michel Kayihura entre au Groupe scolaire d’Astrida en janvier 1936. Il poursuit brillament ses études de tronc commun, puis intègre la section des sciences véterinaires en 1940. Toujours premier de la classe, il effectue son stage vétérinaire tout au long de l'année 1942 et obtient son diplôme de vétérinaire, le 30 décembre 1942.
En février 1943, il est engagé comme garde vétérinaire au laboratoire vétérinaire de Kisenyi. En juillet 1944, il remplace le chef Oswald Sendashonga à la tête de la chefferie de Nyaruguru. Il commande cette région jusqu'en 1954, l'année où il succède au chef Godefroid Kamuzinzi à la tête de la chefferie du Bugoyi. Choisi parmi d'autres chefs, Kayihura est officiellement investi le 06 mars 1954 et gouverne le Bugoyi jusqu'à sa destitution opérée, en 1959, par le résident spécial du Rwanda, le Colonel Guy Logiest.
Proche du roi Mutara III Rudahigwa qui l'apprécie énormément, Michel Kayihura fait partie des chefs qui l'accompagnent lors de son premier voyage en Belgique, en 1949. Il reçoit alors, du gouvernement belge, la Croix de Chevalier de l'Ordre de Léopold II. Cette décoration s'ajoute à la médaille de l'Effort de guerre colonial, obtenue à la fin du Second conflit mondial.
Membre du Conseil supérieur du Pays (CSP) dont il est le vice-président, le chef Kayihura se voit parfois confier la gestion des affaires courantes du pays en l'absence du roi Mutara, notamment lors de ses voyages à l'étranger. C'est également à titre de vice-président du CSP qu'il prononce l'éloge funèbre du roi Mutara III Rudahigwa décédé inopinément, à Usumbura, le 25 juillet 1959, et inhumé, à Mwima, le 28 juillet 1959. À la fin de l'oraison funèbre, le chef Kayihura exprime tout autant la volonté ferme des Rwandais et du CSP d'avoir un successeur au roi défunt, en conformité avec la coutume du pays. Le prince Jean-Baptiste Ndahindurwa, démi-frère de Mutara, est alors désigné comme le nouveau roi du Rwanda, sous le nom dynastique de Kigeli V.
Vice-Président du parti UNAR, un parti prônant la fin de la tutelle belge, Michel Kayihura fuit le Rwanda suite aux troubles de 1959 et s’établit au Kenya où il poursuit ses études vétérinaires jusqu’à l’obtention d’un doctorat en sciences vétérinaires. Spécialiste de l'hygiène alimentaire et de la microbiologie, il enseigne, par la suite, à l'Université de Nairobi.
Dans son lieu d'exil, Michel Kayihura n'oublie pas pour autant son pays natal. Il observe de loin ce qui s'y passe et alerte, à l'occasion, les organisations internationales à propos des dérives des régimes post-coloniaux. Ainsi, au lendemain des massacres perpétrés, en 1963-64, contre les Tutsi, il témoigne dans les colonnes de l'hebdomadaire « Jeune Afrique » de l'étendue de l'horreur et tire, par la même occasion, le signal d'alarme afin d'encourager la communauté internationale à faire cesser les tueries :
« On calcule qu'en l'espace de trois semaines, Kayibanda et son régime ont supprimé 25.000 habitants... Devant ce tableau consternant, devant ce déferlement de haine et de destruction, un devoir immédiat prime toute autre considération. Il faut que les instances internationales interviennent de toute urgence pour mettre fin à cette hécatombe. Quand nous disons "instances internationales", nous entendons l'ONU et l'OUA. Il existe une Commission des Droits de l'Homme auprès des Nations Unies. Elle a l'obligation d'enquêter sur ces crimes et d'établir les responsabilités. De même, il existe une Organisation de l'Unité Africaine. Elle a l’obligation de rappeler à l’ordre le gouvernement du Ruanda dont les méthodes d’extermination introduisent en plein continent africain les plus sinistres aspects du nazisme. II y va de l'honneur de l'Afrique. Contourner cette tragédie ou feindre de s’en désintéresser, c’est préparer des lendemains de sang. Une action énergique de l'OUA pourrait porter à la pacification du Ruanda. L'oeuvre est difficile mais c'est une raison de plus pour l’entreprendre courageusement.» (Michel Kayihura, in « Jeune Afrique » n°171,17-02-1964, p.11)
Ce cri d'alarme tombera dans l'oreille d'un sourd...
Après le génocide contre les Tutsi de 1994, Michel Kayihura rentre au Rwanda. Une fois au pays, il crée, avec d'autres anciens chefs et dignitaires du Rwanda, une association des Sages - Inteko Izirikana - destinée à préserver et à partager son opinion sur l'histoire et la culture rwandaises.
Michel Kayihura est décédé en 2003. Il était l'époux de Véronique Nyirakaragwe, la fille du chef Kabatende, avec laquelle il a eu 10 enfants.
Auteur : Dantès Singiza
Sources : Kayihura John, Entretien par courriel, juillet 2021, janvier 2022 ; Archives générales du Royaume 2-dépôt Joseph Cuvelier, RWA 11, RWA 36 ; Delmas Léon, "Généalogies de la noblesse (les Batutsi) du Ruanda", Kabgayi, Vicariat apostolique du Ruanda, 1950 ; "Historique et chronologie du Ruanda", s.l., s.n., [1954] ; Kayihura Michel, "L'immense pogrome du Ruanda. Témoignage de Michel Kayihura", in «Jeune Afrique» n° 171, (17-02-1964), p.10-11 ; Jaspers Louis, "Ruanda: Ma vie d'administrateur de territoire. Tome II 1956-1960 : Progrès, démocratisation, justice, révolution, la marche douloureuse vers l'indépendance", Bruxelles, Éditions Scribe, 2013 ; Singiza Dantès, "La Deuxième Guerre mondiale au Rwanda (1939-1945): impact du conflit sur les populations", Thèse de doctorat en histoire, Université de Liège, 2018.